L’implantation de barrages le long des cours d’eau de métropole a fortement perturbé la continuité sédimentaire de ces milieux autrefois naturels. Actuellement, seuls 10% de ces ouvrages ont un usage économique bien défini. L’application prochaine de la directive européenne sur l’eau prévoit un effacement total ou partiel de ces obstacles à l’écoulement afin de restaurer le transport sédimentaire et le bon état écologique de ces milieux. En amont de leur emplacement, ces retenues ont accumulé une quantité plus ou moins importante de sédiments souvent contaminés par des pollutions d’origine anthropique. A cette fin, leur remobilisation après effacement doit être anticipée par le développement d’approches pluridisciplinaires permettant : (i) de cuber les volumes de sédiments piégés en amont de retenues ; (ii) de préciser la nature et l’historique des comblements et (iii) de documenter la présence de polluants émergents au sein des sédiments. Cette étude s’intéresse aux sédiments piégés en amont de 2 biefs en contexte urbanisé : le bassin de Saint-Samson (1250 x 100m) situé sur la rivière du Loiret, qui s’écoule dans le sud de l’agglomération d’Orléans et le lac d’Allier dans la ville de Vichy (2500 x 200m). Ces bassins ont été investis par des méthodes de cartographie acoustique à très haute résolution (sismique réflexion à 200 kHz), permettant d’imager l’architecture des dépôts sédimentaires. Des carottages ont été prélevés pour l’analyse multi-paramètre des propriétés du sédiment (spectrophotométrie, granulométrie, contenu organique...). En parallèle, des analyses en GC-MS ont permis de quantifier la présence de plusieurs molécules pharmaceutiques le long de la séquence sédimentaire. Dans ces 2 bassins à faible tranche d’eau, la cartographie acoustique ne permet pas d’imager la totalité du remplissage sédimentaire. Dans le lac d’Allier, le remplissage sédimentaire se carac- térise par un dépôt hyperpycnal sableux associé à une crue de 2013 et situé à 2 cm sous l’interface eausédiment. Ce dépôt grossier fait écran à la pénétration des ondes acoustiques. En revanche, dans le bassin de Saint-Samson, une unité supérieure d’une trentaine de centimètre d’épaisseur a pu être mise en évidence pour un volume total estimé à environ 20 000 m3. Les carottages réalisés permettent de valider la présence de cette unité mise en place sur des sédiments plus compactés. Plusieurs composés organiques dérivés de produits pharmaceutiques ont été identifiés et quantifiés au sein des unités sédimentaires à Saint-Samson et parmi les dépôts fins encadrant le dépôt de crue du lac d’Allier. Ces molécules sont des marqueurs de pollution anthropique à double titre (i) tout d’abord par leur résistance à la dégradation dans les stations d’épuration (ii) d’autre part par leur fréquence de détection élevée dans les rivières concernées. Par leurs dates de mises sur le marché, ces molécules permettent également d’envisager un suivi temporel des dépôts sédimentaires. Sur les deux sites, les concentrations atteignent au maximum quelques dizaines de ng/g. A titre d’exemple, sur l’ensemble du bassin de Saint-Samson (12 ha), ces valeurs extrapolées à l’ensemble du remplissage sédimentaire représentent un stock potentiel d’environ 1 kg de polluants médicamenteux pour l’unité supérieure. Des datations par radionucléides sont à venir afin de préciser l’âge des différents dépôts d’âge très récent et les flux correspondants. Ces résultats mettent en évidence des contaminations associées aux rejets de molécules médicamenteuses par les réseaux d’assainissement en amont d’une retenue localisée en milieu urbain, où l’estimation du stock a été rendu possible en couplant des approches de géophysique avec des analyses en géochimie organique.